Malgré les appels de la communauté internationale, le président arménien, Robert Kotcharian, ne veut pas lever l’état d’urgence décrété samedi, après les manifestations qui ont fait 8 morts. A Erevan, les arrestations se multiplient. Reportage
Les habitants d'Erevan ne veulent pas parler. Pas dans la rue, surtout pas dans les endroits publics. Seulement dans un appartement, la porte bien fermée et après avoir obtenu la promesse que leur identité ne sera pas dévoilée. Nous savons simplement que notre interlocuteur a une trentaine d’années et qu’il travaille dans un organisme financier.
« Ce matin, un de mes collègues ne s’est pas présenté au travail. On s’est inquiété, bien sûr. On a passé quelques coups de fil pour essayer de savoir où il était. Et finalement, on a appris qu’il avait été arrêté par la police. Quelques heures plus tard, après le déjeuner, on a constaté que deux autres collègues ne se sont pas présentés. Dans l’après-midi, on a fini par comprendre qu’eux aussi se sont faits arrêter ».
L’état d’urgence sert d’abord à faire peur, selon lui, notamment en arrêtant le maximum de personnes, et pas seulement des responsables politiques. Il suffit d’avoir participé à une des manifestations contre le pouvoir.
« Dénoncez-vous ! », lance, à la télévision, le vainqueur contesté de la présidentielle. Et effectivement, la peur gagne du terrain. « Je ne sais pas si je suis sur la liste. Mais je sais que si mes collègues arrêtés sont soumis à une forte pression, ils vont peut-être donner des noms, peut-être le mien. L’ambiance au bureau, en tout cas, c’est ça : on fait des pronostics sur la prochaine arrestation ».